A propos de
Huile sur toile signée et datée en bas à gauche «Hayden 1920».
Henri Hayden naît à Varsovie le 24 décembre 1883 dans une famille de négociants. Conformément aux attentes de son père, il intègre l’École polytechnique de Varsovie, mais en 1902 l’ouverture de l’École des Beaux-Arts bouleverse ses projets. Il mène un temps les deux formations de front, jusqu’au moment où, « conscient de sa véritable destinée, il abandonna ses études d’ingénieur » (Selz, Hayden, 1962, p. 10).
En novembre 1907, son père l’envoie à Paris avec pour objectif d’obtenir « une médaille au Salon », gage d’une reconnaissance officielle (Selz, p. 10). Mais Hayden se rapproche vite des artistes d’avant-garde. À partir de 1915, il fréquente Jacques Lipchitz et Juan Gris, qui le présente à Léonce Rosenberg. Celui-ci « reconnut aussitôt Hayden pour un des siens » et signe avec lui un contrat exclusif pour sa galerie de l’Effort moderne (Selz, p. 10). Le peintre s’intègre alors pleinement dans « l’époque héroïque du cubisme », lié à Metzinger, Severini, Picasso, Matisse et Max Jacob, dont Selz décrit la silhouette comme « charmante et un peu diabolique » (Selz, p. 10).
Les toiles de Hayden témoignent d’une approche personnelle du cubisme : tout en respectant « avec une exigence presque mathématique les principes de la composition aux plans superposés et aux perspectives multiples », il introduit « une grâce et comme une sensualité » inattendues (Selz, pp. 9-10). Max Jacob le surnomme ainsi « le Renoir du cubisme » (Selz, p. 10). Waldemar George confirmera plus tard que, pour Hayden, « une œuvre cubiste […] n’est pas un calcul de probabilité ou un problème posé et résolu », mais bien une « reconquête » de la nature par une syntaxe picturale renouvelée (L’Arche, 1958).
Parmi les œuvres majeures de cette période figurent les séries de musiciens et de femmes, où les personnages apparaissent dès 1918. Les musiciens – guitaristes, clarinettistes, saxophonistes – culminent dans le fameux jazz-band miraculeusement sauvé.
La Femme au Guéridon occupe une place tout aussi importante. La figure féminine y est monumentale, installée dans un fauteuil gigantesque. Le corps, à peine lisible, se décompose en volumes : « constitué de plans juxtaposés qui montrent la lutte du personnage avec la figuration », il traduit la tension constante entre abstraction et représentation. La couleur rythme les surfaces, créant des unités plastiques. La tête, coiffée à la manière masculine, partagée en deux zones colorées, « pourrait représenter n’importe quelle femme, une femme en général » ; seul « le large col de dentelle la trahit discrètement ». Ce personnage « hors du temps », figé dans une posture statique, instaure une « notion de durée ». En isolant cette femme du monde extérieur, Hayden la « revalorise plastiquement » et lui confère un caractère universel. L’œuvre manifeste ainsi « toute la beauté de la stylisation cubiste ».
Pour autant, l’histoire de cette production reste fragmentaire. En 1923, Rosenberg, furieux de voir Hayden s’éloigner du cubisme, disperse son stock aux enchères de Drouot. Certaines toiles s’y vendent pour 45 à 50 francs, la plus chère atteignant 75 francs seulement (témoignage de Hayden, in Troyes, 1994 ; Cabanes). À cela s’ajoute la perte de près de soixante toiles lors du pillage de son atelier par les Allemands en 1944, bien que certaines, comme Les Trois Musiciens, aient été retrouvées.
Hayden justifiera plus tard sa rupture : « J’ai abandonné le cubisme parce qu’il m’a semblé que j’en avais épuisé toutes les ressources et que j’étais condamné à piétiner, à me répéter » (Schurr, Le Guidargus de la peinture, 1996, p. 416). Éric Baudet note qu’il « ressentit un besoin impérieux de revenir sur nature » (Baudet, 2009). Gérald Schurr, lui, salue le courage d’« une figure majeure du cubisme » qui sut se libérer « d’une discipline dont il avait épuisé les ressources » (La Gazette de l’Hôtel Drouot, 1975, p. 22).
Dès lors, Hayden poursuit une voie personnelle, où l’on retrouve « la poésie de ses natures mortes subtilement agencées, de ses paysages composés, de larges plages de couleurs aux rapports très affinés » (Schurr, 1975). André Salmon, qui le défendit dès 1920, voyait en lui « le plus spéculatif des peintres cubistes et le moins prompt à renier une œuvre d’humanité pure » (L’Art vivant, 1920, p. 154).

Caractéristiques
- Année : 1920
- Origine : France
- Artiste : Henri Hayden
- Matière ou technique : Huile sur toile
- Dimensions : 65 x 100 cm (Largeur x Hauteur)
Etat de conservation
Parfait état
Provenance
Ancienne collection M. Roger Gros, Paris dans les années 1960/70.
Bibliographie
Selz, Jean. Hayden. Genève : Éditions Pierre Cailler, 1962, illustration n° 25 (noir et blanc), reproduite.
Exposition
Hayden, soixante ans de peinture 1908–1968, Paris, Musée National d’Art Moderne, 3 mai – 2 juin 1968, illustration n° 43 (noir et blanc), reproduite.
Henri Hayden, œuvres cubistes 1914–1921, exposition à la Galerie Zlotowski, 20, rue de Seine – 75006 Paris, du 22 avril à fin juin 2005, n° 15, reproduit.