A propos de
L’étude du « Christ en gloire avec Dieu le Père et le Saint-Esprit entouré d'anges avec les symboles de la Passion » de l'entourage du Greco (Domínikos Theotokópoulos) présente des caractéristiques esthétiques similaires à l’œuvre pictural du grand maître, notamment reconnaissables par les formes démesurément allongées et par une recherche du mouvement issues de l’irréalisme maniériste du Tintoret. Ce dessin provient de la collection de Giuseppe Vallardi (1764-1863), Milan (L.1223).
Le dessin, à la plume à l’encre brune, a été exécuté sur un support de couleur beige rosée. Des inscriptions en italien ancien, sur les deux côtés du papier, datant vraisemblablement du XVe siècle, témoignent d’une réutilisation par l’artiste d’un papier antérieur.
Cette Trinité est un raccourci stylistique des œuvres d’Albrecht Dürer et de Michel-Ange. La composition est une reprise d'une gravure de Dürer intitulée L’adoration de la Sainte Trinité de 1511. Que ce soit dans la trinité de Le Greco ou dans celle de Dürer, Dieu tient le corps inanimé de son fils, une colombe représentant le Saint-Esprit vole au-dessus de Dieu le Père et des anges entourent la scène. Dans les deux œuvres, les anges portent les mêmes symboles de la passion du Christ. Quant à la pose du Christ, elle est inspirée de Michel-Ange qui s’exprime par les attitudes et les mouvements du corps plus que par les traits de la physionomie. Le Greco découvre Michel-Ange pendant sa période romaine et intègre alors le caractère de ses représentations humaines.
On retrouve dans cette étude, la même composition et les mêmes codes que celle réalisée pour La Sainte Trinité du retable du grand autel de Santo Domingo el Antiguo à Tolède commandée en 1577 à Le Greco. Figure conventionnelle, Dieu est peint en vieillard avec une longue barbe. Il maintient le corps de Jésus qui porte les cheveux longs ainsi qu’une petite barbe. Le traitement des visages aplatis est une constante du peintre. L’expression intense des personnages est vraisemblablement l’héritage de l’appropriation du Greco à la technique figurative propre à l'Occident. Avec un sens pour la beauté des lignes, les gestes contorsionnés apparaissent en mouvements dramatiques. Une sensation extrême du sacré est palpable.
La construction de la composition et les techniques sont également comparables avec deux dessins, exécutés par Le Greco, représentant saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Evangéliste conservés dans les collections de la Fondation Jan-Krugier. Les deux préparations sur papier sont réalisées à la plume et à l’encre brune, largement travaillées au lavis brun et rehaussées de blanc.
L’œuvre graphique subsistante de l’artiste est extrêmement réduite ; seuls cinq dessins, tout au plus, sont considérés comme authentiques par la majorité des spécialistes en histoire de l’art. Si cette étude ne peut donc être attribuée avec une entière certitude à Le Greco, elle incarne la synthèse de l’œuvre audacieux de l’artiste.
L’évolution du Greco, qui va de l’influence du Tintoret à la conquête de sa personnalité, apporte à ses œuvres le meilleur de la technique vénitienne. Chacune de ses œuvres vibre d’une vie intérieure exaltée ou tourmentée. Créateur de formes, il a impulsé son style à l’Espagne du XVIe siècle et il est considéré comme l’un des premiers grands peintres modernes.
Cette étude de composition partage un certain nombre de similitudes stylistiques avec l'œuvre peint de l'extraordinaire personnalité du Greco (1541-1614). La combinaison des influences vénitiennes, notamment celle du Tintoret, avec les expressions fougueuses des visages des anges et les traits allongés, légèrement plats, de Dieu le Père ne sont pas du tout différents de ce que l'on peut voir dans les tableaux de l'artiste. Mais les comparaisons avec des dessins autographes de l'artiste, qui pourraient confirmer une attribution à ce dernier, sont plus ou moins impossibles, car l'œuvre graphique qui nous est parvenue est extrêmement réduite ; seules cinq feuilles environ sont considérées comme authentiques par la majorité des spécialistes.
Parmi les œuvres sur papier incontestablement autographes, on peut citer les études représentant Saint Jean Baptiste et Saint Jean l'Évangéliste, qui faisaient autrefois partie de la célèbre collection de dessins espagnols constituée par Sir William Stirling-Maxwell, et qui se trouvent aujourd'hui à la Fondation Jan Krugier, à Lausanne. Elles sont préparatoires aux deux toiles latérales de la section inférieure du retable du Greco représentant l'Assomption de la Vierge, peint pour le maître-autel du couvent cistercien de S. Domingo el Antiguo, à Tolède. Cette œuvre monumentale et ambitieuse fut commandée par le doyen de la cathédrale de Tolède, Diego de Castilla (1510/15-1584). Les travaux ont duré deux ans et ont été achevés en 1579.
Les deux dessins de la collection Krugier sont exécutés avec relativement peu de traits de plume et d'encre brune, largement travaillés au lavis brun et au rehaut blanc. Ils mettent l'accent sur la lumière qui tombe sur les deux saints insérés dans des niches dessinées. La présente feuille est dessinée à l'aide d'une plume plus épaisse, mais elle est tout aussi largement enrichie de lavis et de couleurs corporelles, et elle est également réalisée sur papier préparé. La composition élaborée, avec au centre le corps du Christ avec Dieu le Père, entouré d'anges et surmonté du Saint-Esprit, n'est pas différente de celle de la toile centrale du niveau supérieur du retable de Tolède.
Bien qu'il soit évidemment très difficile d'ajouter avec certitude une feuille supplémentaire au corpus des dessins connus du Greco, l'attribution à ce dernier du présent dessin doit être sérieusement envisagée, pour des raisons stylistiques. Les longues inscriptions à la plume et à l'encre au verso et celle partiellement visible au recto semblent être des entrées de livres de légendes en italien, apparemment de date assez ancienne - peut-être du XVe siècle. La préparation du recto, avant la réalisation du dessin, témoigne de la réutilisation par l'artiste d'une feuille de papier antérieure.
Caractéristiques
- Epoque : 16ème siècle
- Matière ou technique : Papier
- Dimensions : 19.5 x 24.5 cm (Largeur x Hauteur)
Provenance
Giuseppe Vallardi (1764-1863), Milan (L.1223)