Exceptionnel groupe sculpté du Quattrocento - Italie du nord première moitié du XVe siècle

Ce retable sculpté représentant la remise des clefs à Saint-Pierre est une production de l’Italie du Nord de la première moitié du XVe siècle, non rattaché à un atelier ou un artiste du Quattrocento. L’œuvre en pin massif se compose de deux groupes de 200 cm de largeur sur 210 cm de hauteur et d’un Christ central disparu. Au complet, ses dimensions maximales devaient être de 5 à 7 mètres de large. Un certificat d'authenticité de Mme Laurence Fligny, expert près la cour d'appel de Paris, en date du 18 décembre 2020, sera remis à l'acquéreur.

Cette œuvre précoce révèle les changements intellectuels et esthétiques du Quattrocento avec la persistance de l’esprit chrétien tout en revenant vers l’Antiquité grecque et romaine et en se tournant vers l’Homme.

La scène illustre un passage de l’évangile selon Saint-Matthieu (16,13-20) : Jésus donne pouvoir à son premier vicaire ; l’Homme a maintenant les clefs du Royaume des Cieux pour accéder à sa propre connaissance. Ce thème sera rendu célèbre par la fresque de la chapelle Sixtine réalisée par Le Pérugin (1481-1482). Il est porteur d’une symbolique humaniste forte. La peinture du Pérugin et le retable adoptent une répartition en deux groupes égaux de chaque côté du Christ. S’il se dégage une harmonie d’ensemble, la composition du retable en triangle demeure assez rigide. La symétrie repose sur le nombre identique de personnages de chaque côté et le fait que tous regardent vers le Christ, à l’exception d’une personne dans chaque groupe. Les apôtres sont représentés sans attribut ; hormis Saint-Pierre et Saint-Jean, aucun ne peut être identifié avec certitude. Cela souligne l’intérêt pour l’Homme, chacun pouvant se retrouver dans la symbolique de la scène.

Le traitement de la sculpture est proche du bas-relief. La profondeur est donnée par le doigt de l’apôtre le plus à droite pointant vers le spectateur et par le raccourci accentué du modelé. Les drapés laissent transparaître les mouvements et dégagent de la douceur. La finesse des traits, des mains et des chevelures centre l’attention sur la personne humaine. Ces caractéristiques se retrouvent dans la Communion des apôtres (1506), conservée à la Pinacoteca Civica de Forli : Marco Palmezzano joue de la même rigidité de composition contrebalancée par la grande délicatesse des lignes et du mouvement suggéré. Les apôtres sont également dépourvus d’attributs. Ces spécificités témoignent d’une constante préoccupation esthétique et intellectuelle propre à la Première Renaissance.

Le groupe de droite se positionne derrière Saint-Pierre agenouillé. De sa main droite disparue, il tient les clefs du Royaume des Cieux, symbole du pouvoir que lui confère le Christ. Le groupe de gauche est placé derrière Saint-Jean. Sa ressemblance avec l’Incrédulità di San Tommaso, statue réalisée par Andrea del Verrocchio entre 1467 et 1483 (musée d'Orsanmichele), est remarquable. Ce bronze montre l’apôtre Thomas vérifiant les stigmates du Christ. Outre la similitude des profils des deux apôtres, on retrouve la même douceur émanant du personnage. Cependant, l’œuvre de Verrocchio postérieure aboutit à une plus grande finesse des traits, des expressions et des gestes.

Dans ce retable, ainsi que dans les œuvres ultérieures partageant des points analogues, tout porte à se tourner vers l’Homme au-delà de la thématique religieuse. La finesse des traits, la suggestion des mouvements expriment l’idée chère au Quattrocento que le visible traduit l’invisible, les mouvements du corps reflétant de ceux de l’âme.